1995-005Z3

***** (Le poème/témoignage composé par Monique et qui est affiché sur le mur droite de la chapelle :

SEIGNEUR, VOICI NOTRE JARDIN DE PRIÈRE

J’ai souvent choisi de peindre
Pour déguiser ma pensée
Car ma voix pourrait te révéler
Et mon peuple était en colère contre toi.

Je pensais que son cœur s’apaiserait bientôt
Comme il en va si souvent des émotions ;
Vive flambée muette, révoltée et brève,
Car mon peuple souvent ne sait pas se dire.

Les ans ont passé
De métaphore et contre- point
En ésotérisme et contre- façon
J’ai perdu la clé de ma propre symbolique.

Un long chemin d’isolement s’alourdissait sur moi ;
Je marchais en souriant pour les enfants
Comme me l«’avaient appris mes ancêtres.

Puis nos enfants grandirent.
Leur silence n’en était plus un d’impuissance
Mais de froide colère.
Toute allusion à ton Nom attisait la haine.

Notre peuple avait l’oreille fine :
Un silence, une discrétion au moment propice
Et l’anathème m’était craché au visage.
Je ne peignais plus depuis longtemps.

Je portais encore les costumes nationaux, le menton haut
Je savais que mon inaltérable enthousiasme s’effritait au creux de mon être.
Mais au lieu de comprendre, je me mis à souffrir ;
Sous l’assaut de mes amis, je sentais que ce n’était plus l’artiste que l’on visait.

Mon originalité servait de caution…
Je souriais davantage, mais en silence désormais.
Sous le front fier de mes ancêtres
L’inquiétude en était venue à me définir.

Comme une somnambule, je me mis à marcher.
Insidieusement, l’inquiétude avait engourdi mon esprit.
Ton Nom s’absentait de moi au même rythme que moi-même
Jusqu’au jour où je constatai que je ne voyais même plus mes mains.

Je ne désirais pas mourir ;
Je regrettais d’être.
L’acrimonie de mon peuple
Était la couleur des jours et ne me frappait plus.

J’avais perdu mon langage
Sans l’avoir réalisé.
Mais voici que le tien me revint :
‘’Père, pourquoi m’as-tu abandonnée ?’’

Avec ce geste de détresse ouvertement affirmé
Un tout nouveau sourire naquit sur ma face,
Sourire triste et tremblant, mais sincère.
Des jours et des jours, je répétais tes mots.

Du fond de la retraite
Où je m’étais réfugiée
Depuis le temps
Où je m’étais ramassée en pièces, disloquée.

Un triste sourie de complicité,
Mais une tristesse à visage humain,
Qui me réconfortait.
Quand je vis que j’étais au désert : je me mis à hurler.

‘’Seigneur, écartez de moi ce calice !’’
‘’Seigneur, écartez de moi ce calice !’’
Du creux de ma tristesse, une petite joie incompréhensible
M’habitait doucement ; car j’avais crié vers Dieu.

Jamais je n’avais pensé qu’une simple personne comme moi
Puisse crier vers Dieu
Dans un élan sans retour.
Que je n’oublie jamais ce jour !

A voix haute, je répétais sans cesse et chaque jour tes mots.
L’image me revenait, je voyais des couleurs.
Un violet extraordinaire et de vieux oliviers.
‘’Dieu, écarte de moi ce calice’’… et peu à peu cela souriait du dedans…Si tu le veux…
Mais ta volonté vaudrait mieux
Car la mienne n’a plus l’air de rien.

Après être restée en ton sein
Avec ces seuls mots
Pendant un temps…qu’il ne me tardait pas d’interrompre,
J’ai compris ce qu’était le désert et je l’ai aimé.

Lorsque je suis venue au monde,
C’est toi qui tenais mes pinceaux,
Notre symbolique .tait devenue mon langage
Et j’ai vu plus de désolation dehors qu’au désert.

Il y a beaucoup à peindre
Pour qui parle sa propre image
Et ne se laisse pas déconstruire
En s’y camouflant.

Sans aucun mérite
Je suis limpide dans ma joie et mes faiblesses
Car je vis de ton cœur
Qui bat en place du mien.

Le 20 décembre 1988 Monique Jarry)