1967-075

TEXTES SUR L'ART : Image numéro 1967-075.
De la page 41 à la page 80.

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- découverte de la typographie – mécanisation d’un métier manuel
non pas découverte d’une connaissance nouvelle
mais application d’une connaissance disponible

- importance de Gutenberg – The medium is the message
more than ‘’le contenu’’.
(production de masse)

- ‘’The Mechanical Bride’’ McLuhan (la récupération de la femme
par le système)

- parlant de Innis – Gutenberg : ‘’un point de vue peut devenir
un luxe dangereux si on le substitue à la perspicacité et à
la compréhension.’’ p. 314
‘’Ses derniers travaux ne sont pas des produits prêts à être consommés,
mais des objets à ‘’faire soi-même’’, comme dans la poésie
symboliste ou la peinture abstraite

- note p. 329 ss. (Espagne) Gutenberg

9

- ‘’Et tout comme une colonie occupée au commerce des
pelleteries n’était pas à même de développer une industrie
capable de concurrencer les manufactures de la mère-
patrie, de même la périphérie coloniale à développé
par rapport aux arts et à la littérature une attitude
de stricte consommation qui a persisté jusqu’au
siècle présent.’’ Gutenberg

p. 345 – notes.

- ‘’Le dépouillement de la vie consciente et sa réduction
à un unique niveau ont créé, au 17ième siècle, l’univers
nouveau de l’inconscient. Débarrassée des archétypes
ou attitudes de l’esprit individuel, la scène est prête
à recevoir les archétypes d l’inconscient collectif’’
Gutenberg p. 354
(à réfléchir : seconde phrase)

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pour appuyer le point de vue : tout ce que tu rapatries de
l’inconscient vers le conscient augmente ton potentiel (pouvoir ?)
psychique.

- ‘’…l’extrême limitation qu’imposait la technologie de
l’imprimé à la vie consciente’’ (note : Antonio Jarry ; travailleur de
pierre, aculte parce que n’ayant pas reçu la culture écrite, on dira
que ses enfants reçurent un ‘’cours d’affiches’’ – à l’origine
ces métiers COMPRENAIENT l’initiation culturelle.)

‘’Or pendant des siècles, l’Occident allait se laisser motiver
par ce seul mécanisme et vivre dans une sorte de rêve auquel les
artistes tentaient de nous arracher’’ Gutenberg

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- ‘’La leçon à en tirer, c’est que plus la lumière jetée sur
deux domaines voisins est brillante, plus l’ombre
qui entoure leurs interactions est épaisse’’ Whyte
Gutenberg p. 356

- ‘’l’inconscient empiète de plus en plus sur l’esprit,
sur la vie interaction de nos sens et de nos facultés
et les anesthésies petit à petit’’ Gutenberg après –
‘’le nouvel inconscient (après avènement de typographie)
collectif comme un gonflement nourri par le
ressac de l’expression de soi’’

- note sur Rabelais p. 375 ? ? ? Gutenberg

- note sur musique (qualité de) p. 380 Gutenberg

- ‘’Les Sept Nations prirent la fuite devant
lui : elles deviennent ce qu’elles aperçurent.’’
Blake (William) poème Jerusalem
note : p. 381 Gutenberg

- ‘’l’imagination est ce rapport qui existe entre les perceptions
et les facultés lorsqu’elles ne sont pas enrobées et extériorisées

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dans des technologies matérielles’’ quand elles le sont
deviennent : système clos. Normalement : interaction globale
des expériences. Notes p. 382 Gutenberg

11

- vision mystique ou simultanée :
‘’le mythe est le mode de la conscience simultanée
d’un ensemble complexe de causes et d’effets’’ Gutenberg
plutôt absent de la vision fragmentaire actuelle mais
électronique…Batman…

- ‘’ en décrivant quantativement la vérité comme
un contenant bourré de toutes les opinions et de
tous les points de vue possibles, J. S. Mill dans Liberty,
à créé l’angoisse intellectuelle’’ Gutenberg
(un aspect manquant, toute la structure s’effondrerait)

…survaluation du visuel : comparaison d’objets…

‘’La comparaison mécanique, plutôt que la création
imaginative, va dominer les arts et les sciences,
la politique et l’éducation, jusqu’à notre époque.’’

-McLuhan dit que Adam Smith (?) pressant quel
rôle nouveau de l’intellectuel consiste à canaliser
la conscience collective de la ‘’vaste multitude de
ceux qui peinent’’, C’est-à-dire que l’intellectuel
ne va plus régir la perception et le jugement
individuels, mais plutôt explorer et transmettre
la non-conscience massive d l’homme
collectif.’’ Gutenberg

NOTE TOUTE LA PAGE 387
GUTENBERG

12

- ‘’la matière de la vision littéraire, en effet, sera

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collective et mystique (explorer et transmettre la non-conscience
collective (rôle nouveau de l’artiste), pendant que les formes d’expression
et de communications littéraires seront individuelles,
segmentaires et mécaniques. La vision sera tribale
et collective, l’expression privée et vendable’’
Gutenberg p. 387

- réf. manuscrit 1 pp. 3 – 4 démarche culturelle
individuelle pourquoi ?

‘’J. S. Mill, Matthew Arnold et un grand nombre
d’autres se sont penchés sur l’autre côté du dilemme
(voir plus haut, problème de la création-expression), le
problème de la culture
et de la liberté individuelle en un âge de
culture de masse.’’ Gutenberg p. 398

- ‘’il se peu que ce soit la nouvelle technologie électrique,
par son caractère profondément organique
qui nous libère du dilemme, comme le pressentait
Joyce’’ McLuhan, Gutenberg p. 388
l’incidence de l’évolution de non art dans la cinétique,
shows d’environnement, cinéma.

- Ce même principe qui nous est familier et qu’utilise
l’action gutenbergienne selon lequel ‘’le progrès pratique
et l’utilité reposent sur la séparation des formes et
des fonctions’’ (McLuhan), se retrouve dans les concepts de base
qui permirent la naissance de ‘’méthodes’, d’analyse psychique.

13

- note Gutenberg p. 391, demander à Pierre

- notes de Johnson dans Gutenberg p. 394

qu’est-ce à dire ?
dans l’ancien roman on aurait décrit par le
détail la structuration (rarement l’effet) de sentiments et

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d’action sans circonvenir leurs mobiles, le nouveau roman
(fiction) décrit l’environnement (de causes entre autres)
dans lequel naissent ces sentiments et actions (chacun
les reconnaît et peu s’y identifier)
maintenant…

- ‘’Le public devenait mécène. L’art changeait
de rôle, cessant d’être un guide de la perception
pour devenir un des charmes de l’existence,
une marchandise courante’’ Gut. 396
suis-je d’accord entièrement ? ou alors le droit à la
conscience serait en train de devenir ‘’un des charmes
de l’existence, une marchandise courante ?

- note ; établir le rapport entre ‘’diffusion’’ tel qu’employé
par Pierre pour définir le problème auquel affairent
nos techniques, et ‘’diffusion’’ tel qu’employés par moi
dans la déclaration au début du curriculum (diffusion
de la conscience’’)

- le rôle crucial des formes et de l’art comme moyen
d’accomplissement et d’ordre pour l’homme.

14

- note Gutenberg p. 398 sur la méthode du point de vue
fixe et sur celle du champ ouvert.
réf. : prévention – signal d’alarme à l’éducateur au
bénéfice de l’éduqué, perceptions
connaissance
con-science
influence de l’environnement
influence d’une technique de
penser basée sur
un ‘’point de vue’’.

- réfléchir sur Gutenberg p. 399, 400
‘’co-auteur’’.
‘’participation du public aux créations ?

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démarche d’œuvres individuelles ? ?

‘’courant de la conscience’’ versus ‘’méthode d’invention’’
(chaîne de montage)

- ce que beaucoup appelle ‘’irrationnel’’, ‘’à-logique’’, ‘’inconscience
de l’art’’ n’est que ‘’ (McLuhan) la redécouverte
des échanges ordinaires entre le moi et le
monde, ou entre sujet et objet.’’ p. 401

- Gutenberg créait un vide entre ‘’l’apparence et la
réalité’’
le courant de la conscience comble ce vide

15

- Joyce : ‘’Mes consommateurs ne sont-ils pas mes
producteurs’’ – ‘’Je suis l’enfant du siècle’’
(mes perceptions ont évolué et se sont formées dans l’environnement
de celui-ci ; importance de l’environnement, importance
des perceptions si on dit : con-science.)

Manuscrit 1V

- enseigner une technique SANS DE VUE

- contrôler l’utilisation et l’influence des processus identifiés qu’utilise
la conscience pour s’exprimer en NOMMANT ces processus (donner un
nom)

- la création comme mode de contrôle et d’organisation des produits
de l’imagination

- comme si quand Aniela Jaffé cite Moore, etc. pour illustrer son
discours sur le symbolisme, comme si…les œuvres de
ces artistes afféraient à ‘’l’environnement et l’homme’’
et que les miennes relèveraient de ‘’l’homme et
l’environnement’’ (ou dans l’environnement)

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- faire de la peinture : de describere

il se fit – pingi se voluit

pictura, e : peinture, tableau, description

imago, inisif : 1 – image, représentation, portrait (par la peinture ou
sculpture) tableau, description ; forme, aspect, effigie,
2 – Portraits de famille
3 – Ombre (d’un mort), fantôme, apparition
4 – Idée, pensée, souvenir, Concipere animo imaginem
rei, se représenter qqe chose, s’en faire
une idée
5 – Simulacre, apparence, Sub imagine amicitiae,
sous couleur d’amitié
6 – écho

note : psychanalyse ‘’didactique’’ ? ? versus ? ?

- l’ ‘’anarchie pré-révolutionnaire’’ jusqu’à l’explosion de février 1969
à partir de …

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***** (Bio., page : 404)

***** (Texte écrit le 1 juin 1974)

(réflexions sur l’évolution de l’être)

Ce qui complique le jeu de l’évolution de l’être,
c’est de n’avoir pas pris conscience – intellectuellement
de la co-science des sens avant de partir à la
recherche de la co-science – intellectuelle ou
spirituelle.
Est-ce à dire qu’il y a dans l’être deux types de
conscience ?
Alors puisque la conscience première est le résultat
de la co-science connue des sens par leurs

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perceptions,
la seconde serait-elle le résultat de la co-science
des différents attributs de l’esprit par leurs perceptions ?

***** (Page suivante)

l’évolution de mon style
va dans le sens d’une conscience de plu en plu
aiguë et totale de l’être et de sa vie individuelle et
intrinsèque, de cette énergie ? vie ? qu’il irradie
projette, déplace en lui et hors de lui selon SES
pulsions,
totale parce qu’elle (cette conscience) est de plus en
plus non seulement, perçue, captée et divulguée
ou retransmise informativement mais
pressentie puis ressentie et interprétée – projetée

Dans cette requête de l’intelligence des langages
du senti, des langages des plexus,
intelligence différenciée de celle de la conscience
intellectualisée
une expérience extraordinaire m’a été possible
conséquemment à une commotion cérébrale
qui m’a affectée à la suite d’un accident de
voiture.
J’ai alors été frappée d’amnésie partielle (?) durant
quelques semaines (?)
mes schémas de référence et ma mémoire étant
brouillés pour contrer le dépaysement j’ai tâché
de fonctionner comme si le ‘’schéma de référence’’ n’était
plus une normalité évidente de l’expression de ma conscience
mais bien plutôt comme s’il m’était normal
d’être con-scientisée au sujet des événements, sentiments
et sensations qui m’advenaient par ceux-ci seuls.
Le présent, enfin le présent !...

Merveilleusement au fur et à mesure que me
revenait la mémoire, je constatais que mon psychisme
gardait l’habitude de ressentir le présent pour ce qu’il

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est en soi séparément de ce qu’il est par comparaison

***** (Page suivante)

avec la connaissance acquise
tout ceci me démontrait combien éducables sont ces
mécanismes.

Je constatais par ailleurs que n’eut été cette curiosité
qui me poussa à transformer en expérience (observation)
cette maladie (commotion) mon premier mécanisme psychique
instinctif de défense eut été, au moment du ‘’dépaysement’’
de me faire sombrer dans l’inconscience dépressive
une suite d’événements extérieurs m’ont heureusement
suffisamment distraite de toute autre préoccupation
(1er voyage en Europe, aménagement de notre nouvelle demeure,
2 expositions à Paris, proposition de Promo-Ceram, etc.)
le temps qu’il a fallu pour me permettre de percevoir l’aspect
expérimental de cet évènement

J’ai senti que j’enlevais bouchée par bouchée le
pain de la bouche de la dépression.

***** (Page suivante)

Il est extraordinaire d’observer
que lorsque je prends conscience
de l’existence dans mon œuvre
d’une forme nouvelle,
le jour donc où l’impression
de la créer pour la première fois,
il m’apparaît maintenant
que cette forme
était déjà apparue
précédemment,
sans que je l’aie remarquée,
impromptue dans un assemblage
mystique qui lui était alors
apparemment étranger

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mais que,
chose curieuse,
j’exécutais lors même que dans ma vie
privée se passaient (1) les événements
((1) souvent inconsciemment à ce moment pour moi)
dont je traite ultérieurement, c. à .d. au moment
où consciemment je crois exécuter pour la première
fois ces formes nouvelles

ex : au cours des ‘’long plaidoyers’’ que j’exécutais
avec les ‘’petits moineaux’’ de la conscience (‘’Même si
je n’étais qu’un petit moineau…’’) autour de
‘’Papa, papa, la vie, la vie
is the Phoenix of América’’ ***** (Série de toiles : No. : 1973040 à 1973077.)
j’utilisai à différentes reprises une illustration que
je croyais nouvelle pour moi du poisson, c.à.d. le poisson
sectionné émergeant ou immergeant de l’eau, durant l’été 73
et aujourd’hui ce 1er juin 74, ressortant la plaque originale
d’une lino datant d’octobre 72 traitant d’un thème tout différent c.à.d.
les témoins (du moins d’une phase différente) j’y vois DESSINÉS mais non
gravé, sur le coin gauche en bas ces fameux poissons sectionnés émergeant-immergeant ? ? ?

***** (Page suivante)

(1) je me réfère ici à l’usage que je fais dans
toute ma vie de l’expérience acquise progressivement,
d’étape en étape, d’année en année à travers
ma démarche picturale.
(1)…le principal usage que l’on puisse faire
de l’approfondissement d’une technique ou d’une
connaissance spécifique est dans tirer des observations
sur les démarches effectuées et leurs résultats, sur
les approches, les processus de connaissance, de
projection, d’élaboration, etc. leur usage, leur
formation et leurs résultats (des sauts et régno-sauts de la technique précédent les découvertes)
afin, par des comparaisons, des analogies, les
différences, obtenir de notre mémoire et notre intellect en général
une co-naissance comparable à la co-science
que nous obtenons des différentes perceptions de

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nos sens,
seul moyen pour l’homme de n’être pas un étranger
dans son environnement idéologique et technique,
parce que seul moyen pour lui d’appréhender suffisamment
(intellectuellement) pour se former une opinion
personnelle des différentes idéologies et techniques
qui rencontre tout au long de sa vie (Étant admis
qu’il ne peut évidemment pas toujours en faire
l’apprentissage pour les évaluer)
Ceci revient à l’idée que je formulais il y a 13 ans dans
mes écrits poétiques : ‘’si un enfant apprend à
aimer dans son très jeune âge et connaît une fleur
ou un chien familier, il sera plus tard bien armé
pour connaître et aimer un travail autant
qu’un être ; ayant déjà appréhender le processus
de la connaissance et de l’amour.

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***** (Bio., page : 417) (1974)

‘’… Définitivement,
vendre des toiles
n’a aucun sens pour moi
encore moins dans mon Œuvre
J’éditerai des livres qui les contiendraient
des films qui les logeront
et j’écrierai et
je chanterai
aucune de mes toiles
ne peut se situer seules
car elles ne sont pas
des œuvres d’art
et je ne fais pas
Œuvre d’art
elles sont une histoire
avec un déroulement
le déroulement des jours
du temps des jours

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par les yeux d’un être humain
dans la perception
d’une femelle humaine
située dans le temps des jours

***** (Page suivante)

Si mes œuvres sont si fignolées
c’est que mes relations avec les gens
même celles qui produisent les plus maladroits échecs
sont très, très fignolées
chaque mouvement
chaque élan
retient toute mon attention.’’

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***** (Bio., page : 29) (1974)

***** ( Extrait d’un ‘’ébauche’’ de bio/C. V. que Monique a rédigée en 1974. Le texte original est présenté à la
page 28 de sa biographie : Présentation de son C. V.)

‘’…S’exprimer d’abord à soi-même, puis s’émerveiller et traduire, exprimer à l’autre, communiquer même s’il y a peu
ou pas de feed-back. Exprimer pour sentir, plus explicitement ce que l’on sent, pour se CONSCIENTISER.
Et l’expression ainsi privilégiée et préméditée devient ART. Et l’Art devient outil divinatoire d’appréhension et
d’investigation de l’univers.’’

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***** (Bio., page : 429) (1974)

***** (Texte écrit entre 1974 et 77)

1

La culture

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La culture, du moins dans les civilisations
civilisées, est une directivo-critique à l’intérieur
de laquelle tout geste, pulsion, etc…de l’initié
peut être ramené à l’action de ‘’puncher’’ dans la
machine de contrôle d’une réalité dite historico-temporelle.

La situation qui consiste à appréhender ce qui
est et advient de réel ou d’irréel à travers chacune des
ondes et cellules d’une enveloppe de vie spécifique (dans mon
cas identifié communément : mammifère humain) m’est apparu
au sein de l’environnement culturel où je suis atterri
lors de ma naissance, le 3 juillet 1947, pouvoir s’identifier
avec le moins de difficultés possibles (1) : artisme ou créatisme
(1) compte tenu de l’inventaire des définitions directivo-critiques
du dictionnaire culturel de l’époque.

Si tout ‘’acte’’ par exemple, apparaît immédiatement comme geste et
facteur directivo-critique dans mon environnement culturel ; le
moins que je puisse faire pour moi-même lorsque je tente
de nous appréhender, moi et cet environnement de façon objective
et non directive (2), est de m’éloigner, dans la mesure du possible, des
‘’clichés’’ homologués à ce jour dans cette culture qui m’entoure
et me cerne de tout part, comme données directivo-critiques de cette
réalité historico-temporelle qu’il est culturellement parlant commun
d’appeler Réalité.
(2) cette intention me vient du désir de sécurité que j’ai de vouloir
savoir ce que je suis, ce que je fais et ce qui se passe…tant qu’à passer ici !
Toute autre attitude m’apparaîtrait d’essence un tant soit peu masochiste.

11

Ainsi, au moment de ma naissance, il était de bon ton depuis une
soixantaine d’années d’exprimer son âme sous une suite
de geste, paroles, images, etc…extérieurement incohérents ; de façon
extérieurement incongrue et surprenante. Admettant que ‘’ça parle’’
en dedans de soi sans qu’il soit nécessaire pour se faire d’en avoir l’intention
consciente, la technique consista peu à peu à taire juste ce qu’il fallait
de la volonté d’inférer sur ce langage intérieur et juste ce qu’il fallait
de la concentration attentive du moi directivo-critique historique

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face à ce langage intérieur pour que soient audible une suite
de données incomplètes propres à reproduire le langage intérieur
de façon extérieurement incohérente. Le
nouveau ‘’jeu d’échec’’ des gens cultivés devait consister à mettre
en évidence la maestria des participants-analystes à reconstituer
les messages initiaux et complets ainsi produits par les participants-
concepteurs de devinettes. A fin de palier aux carences des participants-
concepteurs qui auraient éprouvé de la difficulté à la longue
à reproduire un comportement de concentration inattentive
simultanément à la relâche de leur volonté directivo-critique,
de nouvelle règle de jeu apparurent spontanément : rapidité exigée dans
la construction des devinettes ; systématisation dans la déformation
des symboles employés ; obligation d’exprimer sa pensée
intérieure dans la limite directivo-critique de certaines idéologies,
hypothèses ou méthodes, psychologique, sociales, religieuses, politiques, économiques etc…; allégeances à
certaines écoles plastiques, esthétiques, etc… :
…;…;…;…inversions ! interdiction !...! ! ! artificiel, logiques…; communicabilité…, homogénéité, etc…;
provocation du moi directivo-critique du participant-analyste

111

Une dizaine d’années avant ma naissance, en peinture particulièrement,
l’on ‘’punchait’, de plus en plus de façon unifiée par l’abstraction
systématique. Contrairement aux pratiques qui prévalaient jusqu’alors
où des êtres libres poursuivaient leur recherche appréhensive pour être
ensuite imités dans la forme plastique par les joueurs participants-
concepteurs qui se chargeaient de constituer en système les
expressions
vécue de ces derniers afin de créer ‘’ÉCOLE’’ par-dessus école,
s’expulsant les uns les autres pour la moindre dérogation aux règles
et principes des systèmes directivo-critiques ainsi constitués,
il semblerait que la paix s’installait peu à peu entre les
différents participants-concepteurs qui tendaient, à travers les
règles et principes du système dit de l’art abstrait, à s’intégrer
sans trop de résistance aux pratiques directivo-critiques
de la culture de notre civilisation.
Bien sûr à cette époque de ma naissance, quelques discidents
s’élevèrent contre certaines règles de ce jeu d’échec. Dali l’un

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des plus vifs et clairs refusait d’aliéner son expression
aux idéologies qui regroupaient la majorité de ses contemporains
peintres, etc…, cependant l’essentiel de la démarche qu’il fit
visait à s’opposer et s’imposer pour se libérer. Il m’apparaît comme un
historien assez clairvoyant des principes qui régissent alors les règles
du jeu de ses contemporains de leurs forces et de leurs faiblesses. Certaines
de ses critiques semblent échapper aux normes dirctivo-critiques
alors en vigueur. Cet effort lui prit tant d’énergie que je regrettai
beaucoup qu’il ne lui en resta pas autant pour être
‘’pour’’ que pour être ‘’contre’’. Sa démarche m’est parfois apparue simple,
libre et humaine dans le cas par exemple de son attitude créative face
à l’illustration de Don Quichotte…Quelques instants de plus de cette simplicité
et j’aurais peut-être pu en observant son évolution apprendre
quelque chose d’utile et digérable concernant ce que
je suis et ce qui advient…

Telle était l’environnement du métier quand j’arrivai. Les uns
d’accord pour que chacun ait sa place au soleil mais ligotés par les
principes et règles de jeu, les autres peut-être capable d’objectiver ces liens

1V

mais convaincu que le soleil appartient à quelqu’un ou qu’ils appartiennent
au soleil ; de toute façon, à peu près tous convaincu, qu’il
existe une vérité à laquelle l’on doit se conformer, certains croyant l’avoir
trouvée, d’autre la recherchant de toutes leurs forces s’y conformer le
plus vivement possible.

Évidemment, depuis que je suis là que chacun me demande
à quelle vérité j’appartiens !...
Cela va de soi dans le modèle directivo-critique
d’une réalité basée sur le temps et l’espace que chacun
s’attarde en forcené à la recherche d’où il vient et d’où il va !
C’est bien simple ; ici, tous les délires et toutes hypothèse sur
l’antérieur et sur le futur sont partout et constamment à la portée
de l’amateur. Dans l’actuel, on est seul…presque.

Bien sûr, la situation que je dépeins en ce qui a trait à l’art
est celle de la réalité historique des artistes eux-mêmes. Un léger décalage

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s’impose si l’on doit considérer les amateurs cultivés de
l’art. Car quand je situe certains événements, concernant l’art
abstrait par exemple, comme antérieurs à ma naissance, je parle
pour moi comme créateur.
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je pose comme ‘’exigence fondamentale’’ dans la destinée
humaine’’ non pas le (1) ‘’besoin de connaître la réalité’’
(1) Structure de l’espace pictural, Fernande Saint-Marie (Essai, éditions H M H)
telle que perçue et décrite en page 12, mais bien plutôt
le besoin fondamental de connaître la réalité spécifique,
c’est-à-dire celle précisément pour la perception
de laquelle on possède le plus de moyens. Que le lapin
se conscientise à cette facette de la réalité qu’il peut appréhender à travers
la peau d’un lapin ! Jamais un singe nu pourrait
dépeindre avec autant d’exactitude les sentiments ‘’lapiniers’’
qu’un lapin lui-même…
l’artiste se doit d’appréhender la réalité à travers
les sens spécifiques de son espèce. Les autres membres de
mon espèce après moi-même sont les stimulants les plus
puissants que perçoivent mes sens…

objectif : me définir vers le futur afin de M’orienter directement vers moi

je vis à cette époque la ‘’fin d’une époque’’.
Que signifie la fin d’une époque ?
Qu’était cette époque passée ?

Qu’est-ce que j’ai vaincu ?
Pourquoi ?
Que m’apporte cette expérience ?

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***** (Bio., page : 432) (1974)

***** (Texte écrit entre 1974 et 77)

Critique d’art plastique

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Le scénario-type de la critique d’art plastique proprement
dite se déroule généralement suivant deux modèles bien
limitatifs. Ou bien on vous tombe dessus à bras raccourcis
avec des descriptions matérielles minutieusement détaillées
du ‘’produit et de sa fabrication’’ au point que l’on
en vient à se demander pourquoi ces
‘’annonces publicitaires’’ ne sont pas
ENCADRÉES et présentées comme telles au
lecteur-consommateur. Ou bien un pseudo-
intellectualisme doublé d’un authentique
hermétisme tient fermement le
public à distance au point que
l’artiste en vient à se rendre compte que
l’élitisme n’est pas un honneur mais
une prison.

***** (Page suivante)

En tant qu’artiste sur quel média puis-je compter
pour établir le contact entre le public et moi ? ?

Il est rare qu’un artiste-peintre soit partie d’une conférence
de presse à laquelle les journalistes rencontrés sont essentiellement
des journalistes du domaine vaste des arts et spectacles.
Je suis enchantée de ce contact car la peinture
peut bien être ‘’ENTRE-AUTRE’’ ce qu’en disent les critiques
d’art mais elle est ‘’AUSSI’’ un élément VIVANT et de la culture
et de la société. Nul ne songerait à cantonner la politique
par exemple sous la plume des politicologues en l’excluant
de l’information publique en général. Il doit en aller
de même pour la peinture vis-à-vis du monde vaste des
arts et spectacles.
IL Y A BEAUCOUP PLUS À VOIR DANS LA PEINTURE
que la simple reconnaissance d’un langage
de la forme, du mouvement, de la couleur, etc…
tout comme pour la chanson par exemple, ça n’est
pas que le rythme, l’instrumentation, les costumes,
etc. qui ont fait d’un Charlebois, une Pauline

Page 58

ou un Raoul les représentants appréciés et aimés
de leur public…
tout comme une distribution prestigieuse
de grands moyens, etc. n’ont jamais suffi
à
faire d’une pièce de théâtre ou d’un film, un
succès assuré…

***** (Page suivante)

Sait-on par exemple que notre chanson québécoise
est l’une des chansons les plus dynamiques de
l’époque, qu’elle témoigne de notre évolution quotidienne,
que dans VOS articles et entrevues, vous témoignez
de ses chanteurs, auteurs et compositeurs, mais…
qui témoigne de cette chanson
elle-même ? Et qui demeurera pour en témoigner
dans cinquante ans quand la mode les aura
consommés et ensevelis ? La peinture DEMEURE et son pouvoir
de témoignage s’accroît avec le temps.

Réalise-t-on que lorsque quelqu’un s’écrit ‘’j’ai
eu un FLASH terrible cette nuit en
rêvant’’, il s’agit rarement d’un paragraphe de mots
écrits dans l’espace du sommeil mais bien d’un
FLASH-IMAGE qu’au petit matin on raconte avec des
mots, faute de mieux….Le peintre peut transmettre ses
flashs et ses rêves sans intermédiaires, ni traductions.

Peut-on toujours décrire en parole
ce que l’on ressent à la lecture des œuvres des
courageux patriotes, féministe, à la naissance
de notre enfant, au cent quatre-vingt-troisième jour d’une
grève, à l’avènement d’un nouveau gouvernement
à l’instant de l’orgasme particulièrement savouré,
…la peinture peut parfois EXPRIMER
la substance inexplicable
d’un sentiment ou SAISIR
L’INSTANT fugitif d’une réalité intangible.

Page 59

Voit-on que la peinture peut-être le prêt-à-portés

***** (Page suivante)

de l’expression pour quiconque ? Vas donc t’exprimer
en composant avec un piano si tu n’as aucun
pré-requis technique !...ou si tu n’as pas de
piano…Le bout d’un orteil dans le sable
d’une grève lisse et humide, une branche d’arbre
sur un matelas de feuilles mortes à l’automne,
un crayon sur le mur face au téléphone,
et la matière capte et accepte ton message.
Les peintres sont des émetteurs spécialisés
de messages ; ils en offrent même le SPECTACLE
au public. Et ce domaine-là c’est notre
affaire à vous et à moi.

Monique Jarry
artiste-peintre
‘’Libre’’ Libre penseur

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***** (Bio., page : 435) (1974)

***** (Texte écrit entre 1974 et 77)

(Rôle du peintre)

1) ‘’C’est difficile de faire la folle
en vers de douze pieds,
faut admettre !’’

et j’aime les cultures du Sud
et Louise Forestier ou son petit nègre
(surtout quand on l’imagine à l’Olympia
avec son ‘’tzagadou’’ – c’est quoi ça ?)

11) bien situer mon père dans mon œuvre et le rapport que j’y fais et

Page 60

ressens entre mes souffrances et celle du
pays sous l’égide de ces schizophrènes
que furent ces libéraux qui demandent
encore une fois ‘’une guerre à finir’’,
ces Nitons qui traduisent en ‘’guerres’’ leurs
conflits avec tous dissidents et cette mentalité
qui ne peut concevoir l’évolution et le
progrès que dans la paranoïa (ex : les budgets
de recherche de l’armée pour étudier les phénomènes
para-psychologiques ‘’dans le but disent-ils d’essayer
de contrer l’avance en ce domaine de l’U. R. S. S….
s’il n’est pas trop tard !’’ ha, ha, ha, et la chasse aux
sorcières repart ! Mais bien sûr que les Rosenberg sont morts
pour rien ! qu’est-ce que tu croyais ? ? ?)

Qu’est-ce qu’ils me font mal ! ! ! Qu’est-ce que
leurs voix offense et heurte mon âme…à un point,
bon dieu, à un point ! ! ! comme dirait Prévert ‘’c’est fou,
c’est fou…’’
Jacques Prévert continuait sa narration
en disant :
‘’et j’ai pris le cordon de ma
robe de chambre
et je l’ai serré bien fort
autour de mon coup
pour me réchauffer’’

***** (Page suivante)

3) que j’attendais son retour,
que j’avais plus d’amertume et
de désespoir d’accumulés que
d’espoir et de joie

alors comme il a voulu pouvoir
rentrer et reprendre sa place avec
joie comme si de rien était

4) sur la seule garantie qu’il

Page 61

avait réfléchie depuis…

alors, soudainement et plus vite que
le temps qu’il faut pour s’en rendre
compte
je lui ai explosé au visage
comme une grenade
comme si ce n’était pas lui
qui rentrait mais bien le fantôme
de mon désespoir
comme si je n’avais pas pu reconnaître
en lui, celui que j’attendais
tant
alors il a pris peur
et est reparti…

***** (Page suivante)

5) – Devant la fête de la chanson du Québec et d’Acadie
du 25ième anniversaire de Radio-Canada –

je pense à toute la clairvoyance et la force
qu’il a fallu pour créer toutes ces merveilles
de beauté et de vérité…
et je regarde derrière pour voir si le passé pourrait
m’aider à voir le futur…
et je vois que les chansons passent de mode…
que d’autres bien sûr suivront, comme d’habitude
et pourtant, pourtant ! ! !
je vois bien que celles-ci, je les aime bien sûr parce
que ce sont celles de mon temps ?

6) j’y vois davantage
Elles sont un aboutissement, plus que la marque d’un
temps, elles sont pour notre culture, notre philosophie
et notre morale, la marque ‘’des’’ temps.
Ces chanteurs, pris tous ensembles l’un dans l’autre
sont l’expression de la genèse et des phases essentielles
de notre mutation…

Page 62

Et les mutations ne marquent pas seulement une
génération. Ces chansons sont celles dont ON DOIT
dire après-demain qu’elles sont ‘’les mots que ces humains
prononcèrent à l’époque, à cette époque même
où naissait la pensée d’après le 20ième siècle chez
les français d’Amérique’’
Quand on place la voix de chacun de ces artistes
à sa place AVEC les autres dans la murale
de notre vie en cette fin du 2ième millénaire après Jésus-
Christ on reconnaît notre âme, notre expérience et
notre prospective point à
l’horizon (peu importe en cela
la forme politique que prendra notre immédiat
prochain avenir)

Et je sens que je comprends de mieux en mieux
ces artistes, leur précieux fardeau, leur rôle et
leur destinée.

***** (Page suivante)

En les voyant et en les comprenant, je me sens et
je me vois mieux.
Et je crois comprendre le rôle du peintre dans l’histoire
de cette race de mammifères humains.

Le peintre peint son époque en se témoignant
de lui-même
Il peint ce faisant tout ce que sont ses pairs et leur
environnement
non pas comme le ferait un photographe ou un
historien (1)
(1) les écrivains d’ailleurs sont aussi les chanteurs ;
parfois, parfois seulement, certains poètes
sont-ils des peintres, comme parfois
certains philosophes et certains ésotéristes.

mais comme chacun se peindrait lui-même
car le peintre doit ‘’ÊTRE’’ ce qu’il peint

Page 63

car je suis ce que je comprends
car je suis ce qui m’appréhende
et le peintre n’existe que s’il voit
que s’il saisit


Et je suis ce que je peints


Comment, comment dire en parole dans ce langage
où à peu près chaque mot veut dire tout à la fois à
peu près n’importe quoi ? ? ?

Comment dire d’un seul jet toute une idée-concept
en ce langage où il faut dire et redire, crier et
chanter mille fois les mêmes élans pour qu’enfin
soit venue l’heure où l’auditeur vibre
en harmonie avec le diseur ? ? ?

Enfin l’affaire du peintre est de peindre
et de ne pas s’étonner de n’être point entendu
aujourd’hui puisque son message s’exprime
à travers un véhicule de long terme.


Et ce soir, je dis à ceux que j’aime que je ferai ma tâche et
qui peuvent continuer de vivre et de faire des enfants car, oui, je
les peindrai.

Monique Jarry

----------------------------------------

***** (Bio., page : 439) (1974)

***** (Texte écrit entre 1974 et 77)



Page 64

1

Conditionnement de l’artiste face à sa tâche, son art, le milieu :
perception du milieu

L’univers des hommes :

- la nuit de la poésie 1970, pour l’observateur, était
beaucoup un ‘’aveu d’impuissance’’, mais comme
le disait ce jeune poète québécois M….(l’un
des rares en qui on sentait la capacité de prendre
sa situation en main), ‘’lorsque j’aurai des doigts
au bout des doigts, des mains au bout des mains
des…’’ ou quelque chose de semblable !

Et bien, c’est ça l’univers de l’homme, c’est ça :
la nature. Il est convenu d’admettre que les fleurs
font partie de la nature ; il est convenu d’admettre
que l’homme est un mammifère et qu’il pense
et que sa pensée fait également partie de la
nature.
Ce qui naît du corps hormonal de l’homme
fait partit de la nature, ce qui naît
de l’esprit de l’homme fait également parti de
la nature, de cette nature qui est l’univers de l’homme,
de l’univers connu. L’homme décide plus ou moins
consciemment (l’inconscient aussi est dans la nature)

11

de fabriquer une auto-mobile en ramification
à une partie de son être et voilà qu’une auto-mobile
est une partie de l’homme, une partie de la nature, une
partie de l’univers. Pourrait-on penser
que l’auto-mobile est moins près de la nature que
le blé ? À l’origine, le blé comme tel, la céréale comme
telle n’existait pas ; c’est l’homme qui a ‘’pensé’’ (encore,
probablement plus ou moins consciemment) que tel et
tel et tel croisement rendrait bons services à son estomac.

Page 65

Les poètes ont tant et tant chanté les blés : tout l’art
du monde était dans les blés. On chanterait tant et
tant d’auto-mobile : tout l’art du monde serait dans
l’auto-mobile et son cœur avec et tout ce qu’on veut !

L’univers de l’homme, c’est tout ce qui est.

EST : tout ce qu’il voit,
tout ce qu’il est,
tout ce qu’il conçoit,
tout ce qu’il appréhende,

111

EST : tout ce qu’il sait et voit ou ne voit pas
et comprends ou ne comprends pas
accepte et regrette

l’homme possède tout dans son univers ; même
ce qu’il est convenu d’admettre comme n’existant pas,
il le passe quand même parce qu’il y pense.

Si Descartes disait que celui qui pense, se
prouve qu’il existe ; il faut bien maintenant
admettre : et que tout ce qui existe fait
partie de l’univers. ET que : Haut les cœurs, tous les
poètes !, la nature, c’est l’univers,…

Mais vrai ! tout casse, les poètes ne peuvent pas
chanter l’auto-mobile, même si logiquement rien
ne semble s’y opposer. Lumière rouge, il y a un
trouble dans le circuit. Ne dirait-on pas, qu’il est
plus facile de dire que sentir que l’auto-mobile
est un enfant légitime de l’homme, de la nature, de l’univers ?
Ne dirait-on pas qu’on a fabriqué l’auto-mobile

1V

avant d’y penser (restons calme, la pensée c’était peut-être

Page 66

pas tout aussi consciente, qu’une pensée bien élevée devrait
se tenir dans un salon ; néanmoins, (au moins !)
l’action est adictée à la pensée, et la pensée
qui elle le veuille ou non, consciente ou pas, ‘’travaille’’ toujours
au moins simultanément à l’action, si elle se
permet – hum ! hum ! est-ce à dire – de ne pas toujours
la précéder)

(Note : chose certaine l’homme n’a pas senti l’auto, en
même temps qu’il y pense, et v’lan, un croc
en jambe à l’art et aux poètes.

…McLuhan est tellement de droite
que toutes ses définitions des phénomènes technologiques
du siècle semblent écrits en fonction d’une
justification totale de la submersion du monde
par l’impérialisme américain – comme si
ceux-ci n’avaient rien à voir dans le fait qu’à
entendre leurs radios transistors les indigènes
sont submergés de ‘’concepts auxquels rien ne
les prépare, mais qu’au contraire toute la faute
est à remettre sur le dos de la radio-transistors
elle-même…

à ne pas confondre les effets des médias
et les effets d’une campagne de conditionnement
utilisant les médiats
--------------------

société occidentale reconnue comme société matérialiste

mais une société orientale comme la tibétaine ?
qu’est-il à dire de différent sur le résultat APPLIQUÉ
de ces sciences comparativement à celui du conditionnement
américain par exemple si les deux
résultats fonctionnaient et étaient projetés à
l’infini : contrôle global de l’univers
dans son aspect matière-énergie (n’est-ce
pas de toute façon matérialiste ?)

----------------------------------------

Page 67

***** (Bio., page : 442) (1974)

***** (Texte écrit entre 1974 et 77)

1

peindre
c’est marcher sur une plage
et graver d’une branche
des signes sur le sable humide
pour dire au ciel
qu’ici parfois on a le mal du pays
car méditer
ne requiert pas l’expression
et le mouvement physique
du commun du semblable
des autres corps de la race
et des autres corps de la matière
et des autres corps de l’esprit
et je crois être d’abord des peintres
et en suite, ensuite seulement des cérébraux
car je suis des vivants et ensuite
seulement, ensuite des méditants.

être femme et off timing
c’est rater l’un et rater l’autre
faire l’amour et repriser
ou produire et puis m’ennuyer.

2

peindre en ce siècle
c’est vivre un après midi
c’est souffrir et puis mourir
et s’aimer et s’étrangler
naître en ce siècle

Page 68

c’est comme chanter sans guitare
c’est parler et crier
sans résonance et sans suite

j’ai pas de cœur électrique
pour amplifier mes sentiments
pas d’micro spirituel
pour projeter ma volonté

peindre en ce siècle
c’est comme suivre une aventure
se ronger les ongles et suer
s’emballer et s’essouffler
vivre en ce siècle
c’est comme marcher sur une seule jambe
trottiner et danser
devant l’film de la télé

j’ai pas d’espoir sur onde courte
pour effacer le quotidien
pas d’argent sentimental
pour calmer mes inquiétudes

peindre en ce siècle
c’est comme sortir bien habillé
ces crever en plein party
pour feeler et puis tripper
vivre en ce siècle
c’est comme peindre sans protecteur
s’ouvrir et tout donner
sans ‘’même’’ tout donner
rencontrer son public

J’ai pas de sexe de rechange
pour cajoler et cuisiner
ET penser et m’exprimer
j’ai pas le don d’ubiquité

peindre en ce siècle

Page 69

c’est pouvoir sentir la vie
consciente, tendue et sensible
sans montrer qu’on est ému
vivre en ce siècle
c’est pouvoir être discret
ni froid ni exception
ni commun ni différent

3

mais vivre
c’est sentir et apprécier
et vivre heureux
c’est communiquer
et recevoir
et entendre
c’est ressentir et
penser
et peindre ce n’est pas que voir
peindre à la vue
ce qu’avancer
est à se guider.

4a

vivre se perçoit et s’exprime
par plusieurs sens
tout à la fois

4b

et parfois
il advient que pour peindre
il nous vient de devoir parler
car chez les êtres de mon règne
vivre se perçoit et s’exprime
par plusieurs sens
tout à la fois

Page 70

4c

comme il nous advient parfois
d’être conscient en procédant
du métal et du béton
de la foule et de la société
ou du ciel et des arbres
de la solitude et de l’espace
selon que l’on s’est
tenu dans la ville ou la campagne pour vivre
deux taches noires sur fond

4d

blanc seront satisfaisantes
ou bien deux taches brunes sur
fond rouille.

jeux de gens libres :
parler pour entendre
écouter pour ressentir
ressentir pour comprendre.

----------------------------------------

***** (Bio., page : 489) (1975)

‘’… - ainsi donc si je ne pense pas comment pourrais-je produire ?
Cette confusion angoissante qui s’empare de moi, quand vient
le temps de créer, n’est-elle pas dû au fait que je ne sais
plus ou retracer toutes mes idées. Je ne sais jamais ‘’par quel
bout commencer’’

- D’un autre côté, qu’est-ce dire si chaque fois qu’une idée
précise commence d’affleurer ma conscience, je me précipite
sur quelqu’un et me mets à lui en parler, parler, parler,…

- une chose est certaine : utiliser son esprit pour créer, demande
une démarche bien différente d’utiliser son esprit pour réaliser

Page 71

quelque travail ou transaction que ce soit.
Dans mes œuvres aussi, il y a la part de travail et de la transaction, ce n’est néanmoins
pas à cette étape que je bloque. De ce côté
tout va bien, je suis intelligente et j’ai du talent. Dès que
la création est sortie du magma dans ses grandes lignes,
sa réalisation est pour moi un jeu fort intéressant de
la patience et de la virtuosité. À ce niveau, aucune insécurité,
on a bien confiance en soi, on ne connaît d’ailleurs personne
de plus futé, plus habile, on a même à se rappeler
à l’ordre pour ne pas abuser de cette habileté…Et pour ce
qui est de la patience, je sais attendre, je sais vraiment attendre.

- il s’agit bien de la création comme processus,
cette différence dont je parle plus haut entre créer et
réaliser une chose, se démontre sûrement de plusieurs façons
dont l’une qui m’apparaît particulièrement en ce moment, suite
à mon expérience de cette semaine.
je ne saurais procéder autrement que par l’exemple en
ce moment, voici donc : une personne vit un conflit avec sa voisine
un lundi x. Si dans les jours qui suivent elle rencontre sa
meilleure amie, elle aura peut-être le goût (et l’impulsion
nécessaire à le faire) de raconter le conflit à celle-ci et solliciter
ses idées ou son approbation, ou…Cependant, si cette personne ne
rencontre personne de la semaine et que revoyant sa voisine
le lundi suivant, toutes les deux trouvent à l’expliquer et
se rendent compte que ce conflit n’était pas fondé en somme
mais reposait sur un malentendu, et se quittent heureuses
et en bons termes : notre charmante personne retrouvant ça meilleure amie
le lendemain, lui parlera peut-être quand même du conflit qu’elle a
eu, mais celui-ci ne sera plus qu’un incident, un souvenir,
elle n’aura plus pour le raconter cette impulsion de tous les instincts
en éveil qui aurait pu donner tant de ‘’punch’’ à son
récit, qui aurait pu faire de celui-ci cette chose ‘’live’’, vécue
pour l’auditeur – une œuvre d’art

7

- le créateur pour produire a besoin de cet état d’éveil, de simultanéité
de son œuvre et de ses réflexions et impulsions. Ce devenir

Page 72

d’impulsion. Ce ‘’LIVE’’ des situations à exploiter.
Une idée vidée de son fracas, de ses questions, des pulsions quelle
peut déclencher, des réactions de celle-ci, etc…est aussi une
idée vidée de son jus.

- j’ai toujours ce merveilleux talent de saisir au passage, un
mot, un incident, un geste et d’en extraire une moelle extraordinaire,
intéressante, vivante, de jouer avec elle, la manipuler,
en faire une description de l’intérieur (analyse), comme de l’extérieur (mon
humour transcendant), de la voir en analogie, en contraste, en opposition
en harmonique, etc…
mais par quelle aberration, au lieu d’en tirer un quelconque
produit tangible (sur lequel, il me serait d’ailleurs loisible
de discourir après coup – puisque j’aime tant ça), je brûle
mon ‘’sock’’ avec le premier venu en un show unique
et sans répétition possible. Expérience au sortie de laquelle
je me retrouve immédiatement calmée (1)
(1) Oui l’imputions de la création en est bien une qui comme
toute autre cherche à être calmée dans sa satisfaction.
on disait quelque part que la guerre et le plafond de la
chapelle Sixtine avaient été conçu sous l’impact d’impulsions
semblables…ou quelque chose du genre…

de l’impulsion de la
création, mais aussi calmée tout court de la création elle-même.
Et ce n’est pas dans ce calme que l’on peut produire

les idées passent, elles sont pourtant milliards dans la tête de tous les
gens, seules celles que l’on insère dans des objets,
demeurent
(Pourquoi ce désir d’un artiste de les conserver ainsi ?
ainsi : sous forme d’objet (dessin, texte, musique) parce qu’artiste
conserver : touts les hommes, de tous les temps et de touts esprits
en eu ce désir en commun avec moi…et je les
comprends bien.)’’

----------------------------------------


Page 73

***** (Bio., page : 506) (1976)

‘’…. les artistes n’acceptent plus d’être limités dans leurs moyens
mais ils sont blasés car ils demeurent quand même en
dehors de la vie – du flot principal de la vie – car le
flot principal de la vie n’est plus là où il était – où est-il ?’’

----------------------------------------

***** (Bio., page : 507) (1976)

‘’…plus reconnus comme professionnels etc…etc…le statut des profes-
sionnels aussi est remis en question de même que leur rôle (castonguette,
assurance automobile, etc… soins cliniques associés aux mouvements
d’animation sociale de cartiers…)

des industries basées sur des produits à ce jour identifiés
comme ‘’création d’art’’ naissent (musique)
ces industries sont supportées majoritairement par l’ensemble
du grand public – l’élite en proportion y joue un rôle de plus en
plus restreint – qu’est-ce que l’art – quel est l’objet de
l’artiste – quel est le rôle de l’artiste – quels sont les besoins
d’art du grand public – quels sont les droits à l’art du
grand public – quels sont les droits sociaux de l’artiste –
quels sont les besoins de l’artiste, cette machine-à-vision –
quelle est la valeur de ces ‘’visions’’ de l’art pour
l’artiste lui-même et pour la société dans son ensemble.’’

----------------------------------------

***** (Bio., page : 513) (1976)

Activité sur le dessin comme langage chez l’enfant

- présenter quelques dossiers d’enfant comme suit :

. dessin (s) de l’enfant

. tout ce qu’a répondu l’enfant

Page 74

à différentes questions qui lui
ont été posées à partir de son dessin

. analyse psychique des différents
contenue psychologiques ainsi appréhen-
dé par l’enfant dans son expression à
travers le dessin et à travers l’explication
du dessin

. exposé par l’éducateur des utili-
sations que l’enfant peut faire de
ce moyen d’expression quant à son
processus de développement propre
et des utilisations que peut tirer
d’une telle expression le public
à qui est destiné le dessin et l’expli-
cation de l’enfant, soit le parent ou
toute autre personne dési-
rant établir une relation de com-
munication avec l’enfant.

- conclusion sur les possibilités

***** (Page suivante)

qui s’offrent à l’individu qui s’épanouit jus-
qu’à la maturité de l’âge d’adulte tout en
préservant et développant l’usage et la
connaissance du langage de l’image et
de la forme. (note : il n’y a pas de magie pour nous actuelle-
ment à concevoir lorsque nous sommes unilingues que d’autres
humains (ou d’autres animaux) puissent parvenir a s’exprimer et à communiquer en
employant une autre langue que la nôtre, même si nous ne
comprenons pas cette autre langue et même si nous ne la connais-
sons pas – au moins en concevons-nous l’existence possible. Qu’en
serait-il face à l’existence et à l’utilisation par un ou des
humains d’un langage de l’image dont les règles nous
seraient absolument étrangères ou encore dont les règles
et la forme et la structure nous seraient inconnues? Existe-t-il

Page 75

des réalités sonores verbales différentes ? Oui. Existe-t-il
des réalités visuellement visibles différentes ? Si oui, sommes-
nous prêts à en concevoir l’existence ?)

En ce qui a trait à la tâche de se
comprendre soi-même et l’univers environ-
nant, à un niveau que les mots parvien-
nent trop souvent, mal à cerner, à exprimer,
à rendre, à saisir même – au niveau des
concepts abstraits – états d’âme, de la conscience,
feelings, intuition : influences de ces dernières
perceptions dans nos choix, relations, etc…
Rôle du langage dans la qualité et forma-
tion de la conscience et peut-être même dans
la nature de la conscience.

- Épilogue sur la valeur et le niveau d’inter-
vention des œuvres d’art ici présentées.

----------------------------------------

***** (Bio., page : 515) (1976) (Ce texte va de la page 75 à 85)

Activité :
Les témoins *****(Toiles numérotées : 1973-020-21-22-23-30-31-32-33-34)

- peinture, l’image comme témoins de soi
durant et à travers le temps
durant et hors du temps

- 1. le feed-back et la rétro-action qui sont
permis à travers l’analyse de ces images-
témoins que sont les peintures
2. vis-à-vis . toutes les peintures
. les peintures de Monique Jarry

3. la qualité des échantillons de langage
de l’image que l’on utilise en analyse
en regard des données que l’on peut en

Page 76

extraire ex :
Les peintures
faites par un peintre qui se
conforme à l’expression picturale
d’une école plasticienne quelcon-
que, influencé avant que d’avoir
pu se définir soi-même par
des choix idéologiques et esthé-
tiques qui ne correspondent donc
pas nécessairement à la partie
de lui-même qui est unique
et originale, mais peut-être en

***** (Page suivante)

quelque sorte, seulement à la partie
de lui-même qui, sachant que cha-
cun cherche à s’intégrer à son envi-
rennement comme un tout le plus con-
gruent possible, choisi de se niveler soi-
même, un peu comme on choisit de
suivre la mode, c.à.d. en n’exprimant
extérieurement peu de choses en dehors
d’un fort besoin de s’intégrer.

Versus

les peintures faites par Jarry dans
une optique de quête de l’expression
la plus instantanée, la moins censurée
de l’esprit intérieur au concept imagé
que produira le geste de la main
sur l’image. Pas de censure morale
ou idéologique et pas de censure gestuelle
ne sont encouragées quant à la pro-
duction objectuel de l’image répondant
le plus justement possible au
concept qu’il est question d’exprimer

Page 77

- le niveau de qualité exigé des images
produites pour l’obtention d’un témoignage
par l’image de qualité suffisante pour per-
mettre l’élaboration d’un véritable langage de
communication par l’image, on peut passer

****** (Page suivante)

a des réflexions concernant la nature, le rôle et
la valeur d’un témoignage.
note :
les bases ici jetées pour l’élaboration d’un langage de l’image-
peinture, de sa valeurs à l’usage, de son rôle social, et de sa
transmission et de son universalisme possible sont élaborées
en toute conscience que le langage peint de Monique Jarry n’est pas
le seul langage-peint possible, loin de là. Comme pour le langage
sonore parlé, il est évident que même en mettant bout-à-bout
tous les aspects exprimés par Monique Jarry et tout autres peintres analy-
tique l’on ne parviendra pas à une liste exhaustive finale (quelques
soit les combinatoires employées et quelque soit le nombre de peinture-
témoignage ainsi exécutées) de tous les concepts que l’humain peut
pressentir et souhaiter exprimer. Il en va de même pour le langage
sonore parlé ; et ce depuis sa formation même jusqu’à aujourd’hui.
Lorsque l’on s’est mis graduellement à privilégier certains sons
à l’exclusion des autres sons, afin de conférer à leur
organisation conventionnée un sens délimité et commun
pour toute la communauté employant une même convention
sonore, il a bien fallu limiter l’usage et la validité du
son vocal dans son ensemble pour en arriver à une série
clairement distincte ET transmissible par l’enseignement pour et à
tous les membres de la communauté. Cette sélectivité dans le son
vocal appauvrissait certains aspects de l’expression et de la communi-
cation sonore dans la communauté. Tout son vocal expriment un
sentiment ou un besoin de quelque nature que ce soit entre deux
amants par exemple ; le son en question pouvait bien laisser
l’interlocuteur dans l’ignorance du besoin EXACT formulé
par son partenaire, mais l’urgence ou l’importance, ou l’intensité étaient
peut-être plus claire, plus immédiatement évidente
par contre. Il est certain que l’avènement du langage parlé

Page 78

organisé a correspondu à l’occurrence d’un choix sé-
lectif qui s’est alors effectué chez les humains au
niveau des priorités de la communication. Songeons
pour essayer de reconstituer les différents éléments dont
il a alors pu être tenu compte au moment où le choix
dont nous connaissons et endossons encore les conséquences –
puisque nous parlons encore plus que nous ne chantons, que
nous ne grognons, que nous ne dansons,

***** (Page suivante)

que nous écrivons aussi, plus que nous ne peignons, que
nous ne sculptons, que nous ne faisons de pâté de sable ;
nous parlons et nous écrivons encore plus
que nous ne touchons à ceux que nous aimons, etc…
certaines réflexions de Desmond Morris ayant trait à ce sujet peuvent
nous inspirer.

Toute tentative d’établir un terme clair et commun pour
communiquer s’entoure donc d’une démarche de spé-
cialisation dans ce moyen de communication. Toute spécialisa-
tion…
Note à Claude Bertrand :
je veux me servir des auteurs que je lis pour partir de là où ils ont arrêté
de déblayer la route par laquelle passe mon chemin.
Je n’ai pas d’utilité à les réfuter. Ils ont été ce qu’ils ont voulu et
moi je suis ici maintenant, ce que je veux.
Les éléments de leur œuvre dans lesquels je ne trouve pas ce dont je peux
me nourrir je les laisse à côté de mon assiette, les autres, je les utilise
car c’est bien sûr pour nourrir quelqu’un comme moi qu’ils ont été écrits.
Je m’en bourre le ventre : j’y prends des forces et je continue de déblayer ma
propre route. Je suis enchantée que Freud ait découvert le subconscient avant
moi, ça me fait ça de moins à faire. Que puis-je devant le fait qu’il n’a pas su
voir la définition de l’homme ou de la femme qu’il m’est donné d’avoir découverte ?
Le réfuter, le pauvre ? Prouver qu’il s’est trompé dans un langage et une étique
qu’il aurait compris lui-même ? Ce n’est pas ça qui le ressuscitera pour lui per-
mette de mieux en jouir. Quant à moi, mon altruisme ne va pas jusque-là. J’ai
beaucoup de choses à faire, j’ai toute une vie à vivre ! Je ne peux évidemment pas
t’encourager à faire ce que tu fais de la tienne. Ni même te dire : Salut mon

Page 79

***** (Page suivante)

vieux, pendant que tu vis, désires et te transposes sur le papier, je pars vivre et
découvrir et jouir. Je boirai un coup de vie à ta santé ! Ça ne se fait pas
mon vieux : la vie ne se laisse boire que par ceux qui vivent. Pas de procuration pos-
sible ; tous les transferts du monde ne t’apporteront qu’une vision théorique de ce que
vivre, désirer et jouir peuvent être mais de vivre, on ne
vit qu’en vivant soi-même. Tout ce que je peux te souhaiter encore, c’est de
ne pas mourir d’ici dix ans avant que Tel Duel te porte aux nues théoriques, puis-
que tel est ta volonté actuelle. Advenant que tu vives encore jusqu’à dans
quinze ans ou vingt ans comme tu dis prends garde de bien adhérer le plus possible
à tes théories et d’en élaborer pour toutes les circonstances de la vie y compris la mort,
car quoi qu’il en soit même si tu refuses la temporalité, tôt ou tard ça t’arrivera et
ça au moins tu devras le vivre…Enfin j’imagine…j’ai vu bien des sortes d’hu-
mains en plus de l’homme-au-loupe de Freud-Deleuse. J’en ai vu, oui, effectivement
qui refusaient de vivre leur vie, certains qui la détruisaient à mesure qu’elle advenait
à l’aide de toutes sortes de liqueurs et de drogues : certains qui se donnaient
eux-mêmes toutes sortes da maladies par la seule puissance de leur volonté en s’acharnant
uniquement dans des visions de la vie qui les blessaient ; des gens forts intelligents d’ailleurs,
…de toute façon les maladies-psychomatiques exigent un certain pourcentage de cons-
cience de soi pour intervenir ; j’en ai vu d’autres qui n’acceptaient de vivre que pour utiliser
leur force à détruire ceux qui aiment vivre autour d’eux ; j’en ai même vu s’amputaient
eux-mêmes de leurs membres, de leurs sens, de leur âme, de leur clairvoyance ou de
leur descendance. Oui, j’ai vu déjà des humains qui n’aimaient pas vivre. Il y
en avait bien sûr pour qui ça n’allait pas si loin, ils se contentaient de se barica-
der en eux-mêmes, ou dans leur quartier…certains allaient jusqu’à s’enterrer
dans les monastères de toutes sortes…mais ça on ne peut pas vraiment évoluer
de l’extérieur puisqu’il y en a qui réussissent à s’emprisonner à mort même dans
des carrières d’homme public ! Oui, j’ai déjà vu ça…J’ai aussi vu assez
souvent des humains qui en plus de ne pas aimer vivre en général, n’ai-
maient pas tellement mourir. Mais j’ai assez rarement vu, ni même enten-
du parlé, d’humains qui auraient réussi à ne pas s’apercevoir de la vie
au point de réussir à mourir sans vraiment vivre leur propre mort ne
serait-ce qu’un seul instant. Enfin…c’est toujours possible : tout est
possible. Je ne voudrais tout de même pas être la fleur qui doit se nourrir d’un
tel corps, ça doit manquer de constance il me semble, un peu comme une carotte

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d’hiver…
Au fait tu te demandais disais-tu pourquoi je voulais te revoir.
Et bien je te répondrai aujourd'hui ce que j’ai dit à Ronald Philion et
à Pierre Desruissaux quand ils n’arrivaient pas à comprendre comment
une fille aussi occupée et productive que moi et qui a peu de goût et de façon aussi
affirmée pour l’inutilité d’action et la mièvrerie, pouvait vouloir
consacrer du temps et des énergies à te rencontrer
compte tenu que je savais assez a quoi en gros je pouvais et ne pouvais
pas m’attendre de toi. La vie a pris au fil des années depuis ma naissance de
plus en plus de couleur, de saveur, de sens, et d’intérêt pour moi et ce principalement
grâce à la pénétration d’esprit plus profonde, à la conscience sans cesse accrue,
à l’affinement des moyens de perceptions sans cesse poussés au-delà de leurs limi-
tes que je peux acquérir tout au long de ma propre expérience.

***** (Page suivante)

Mon potentiel et ma propre volonté sous-tendent bien sûr
cette évolution, mais si je peux dire que j’ai toujours
pris parti de faire feu de tout bois, il reste cependant
vrai que certaines personnes, parce qu’elles ont à un moment
donné pour des raisons qui leur appartiennent bien voulu
se prêter davantage que d’autres à remplir la fournaise
de mon esprit et de mon cœur. A un moment de mon adoles-
cence lorsque mon cœur autant que mon esprit requérait le plus
pour s’épanouir d’une communication suivie avec
autrui, à cette époque tu as donné de toi-même
à nos jeux d’apprenti-sorcier, sans calcul et généreusement.
Aujourd’hui que l’apprentissage, si je peux m’exprimer ainsi
est terminé pour moi, qu’un compagnonnage solidement établi
sur se bases se déroule en pleine force vive et avant que
la maîtrise ne m’entraîne trop en deçà du souvenir, j’ai
cru naturel de t’offrir pour un temps ce côtoiement face
à face avec ce que je me permettrai d’appeler entre nous : le
témoignage. Tu pouvais l’utiliser pour m’interroger ou pour
te montrer à moi. Tu as choisi de te montrer à moi. C’était ton
choix, il n’engageait que ta volonté. Tu peux toujours te souvenir
des petits objets-de-pouvoir que je commençais d’élaborer jadis en
balbutiant avec les données du pouvoir. Tu n’avait jamais su ce
que j’allais devenir. Tu n’auras pas su encore cette fois qui je suis

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